Explications de mes analyses sur les performances de Chris Froome…

Vu les nombreux messages que je reçois, je dois apporter une explication sur la nature des analyses que je réalise sur ce Tour de France.

Mon objectif n’est pas de ranger Chris Froome dans la catégorie des coureurs dopés ou non dopés. Ce n’est pas ce qui m’anime. Ce qui m’intéresse, c’est davantage d’analyser comment une performance a été réalisée ou en d’autres termes, quels sont les paramètres qui agissent et sous-tendent la performance et leur poids respectifs dans cette dernière. Lorsqu’on obtient des résultats dans le cadre d’une performance réalisée sur le terrain, il convient en premier lieu de s’assurer de leur validité. Ensuite, toute analyse scientifique se doit d’être critique en discutant les résultats obtenus par rapport aux connaissances scientifiques du moment et cela, en toute objectivité et impartialité. Il faut surtout prendre garde à ne pas orienter l’analyse dans la direction dans laquelle on voudrait qu’elle aille parce qu’elle va dans le sens auquel on croit. C’est seulement à cette condition que l’on est en mesure de faire une analyse intellectuellement honnête. Bien évidemment, toute analyse apporte une interprétation et une part de suggestion. Elle n’a aucune vérité absolue.

En première analyse, la performance réalisée par Froome dans le Ventoux apparaît en complète cohérence avec celle réalisée quelques jours auparavant dans la montée d’Ax 3 Domaines et pour remonter plus loin encore, avec ses performances réalisées depuis la Vuelta 2011. Quand je dis cohérence, je m’appuie sur les valeurs estimées des puissances qui composent son Profil de Puissance Record (PPR) établi depuis la Vuelta 2011 (que je publierai peut-être prochainement). Ainsi, lorsque j’analyse ses performances sur ce Tour de France, j’intègre les nouvelles valeurs de puissance dans son PPR et j’étudie si elles sont cohérentes avec son profil. Or, c’est le cas. Cela suggère que les performances réalisées dans Ax 3 Domaines et dans le Ventoux pouvaient être attendues. Elles sont en parfaite cohérence avec son PPR.

Une seconde analyse peut ensuite être réalisée pour étudier la nature de son PPR en regard des lois physiologiques que l’on connait. Sans rentrer dans le détail du modèle utilisé car ça serait assez fastidieux de le développer ici, j’estime que le PPR de Froome est valide pour un athlète possédant une VO2max comprise entre 85 et 90 ml/min/kg. A ce jour, vu la nature de ses performances, rien n’indique qu’elles puissent être réalisées avec une VO2max supérieure à 90 ml/min/kg. La valeur de 90 est symbolique car elle représente une limite très rarement atteinte chez les cyclistes de haut niveau. Il n’y a que quelques athlètes d’exception qui ont un jour possédé une telle valeur de VO2max. Mon analyse suggère que Froome peut très bien posséder une VO2max exceptionnelle.

Troisième analyse. Certains pensent que parce que Froome a atteint des niveaux de performance proches de ceux d’anciens coureurs dopés alors, il est obligatoirement dopé. Il n’est pas juste d’affirmer de telles allégations. Je m’explique. Des études scientifiques récentes ont montré qu’une préparation à l’aide d’EPO permettait d’augmenter la VO2max de 8% et le niveau de performance dans les mêmes proportions. A partir de là, on peut très bien considérer que d’anciens coureurs dopés qui avaient des VO2max naturelles égales à 78-80 ml/min/kg les ont artificiellement boosté jusqu’à 85-87 ml/min/kg. Vu sous cet angle, la VO2 reste dans une norme extrêmement élevée mais valide. Cela suggère que Froome, s’il possède vraiment ce fabuleux moteur qu’il exhibe, peut avoir la capacité à aller aussi vite que certains anciens dopés.

Quatrième analyse. En reprenant l’analyse précédente, on peut aussi suggérer que Froome a pu booster sa VO2max artificiellement tout en restant dans les limites qu’impose la physiologie de l’effort.

Cinquième analyse. Il est intéressant de ne plus s’occuper seulement de la performance brute réalisée par Froome mais aussi des écarts de performance entre les coureurs. Par exemple, si on compare la performance de Froome à celle de JC Perraud dans le Ventoux, on peut estimer que les 2 min d’écart entre les deux coureurs représentent 20-30 W. Cela suggère une différence de VO2max de 4-6 ml/min/kg. En imaginant que Perraud possède une VO2max aux alentours de 80 ml/min/kg, ce qui ne serait pas étonnant vu son potentiel physique alors, celle de Froome serait de 84-86 ml/min/kg. Ce résultat rentre complètement dans le modèle d’analyse de la performance.

Sixième analyse. Il existe encore deux paramètres essentiels qui pèsent dans le modèle de performance. Il s’agit du rendement énergétique et du pourcentage d’exploitation de la VO2max lors de l’effort. Ces deux paramètres, peuvent varier de quelques pourcents d’un athlète à l’autre.

Conclusion. Sans être exhaustive, voici l’analyse que je souhaitais faire pour éclaircir les propos que je tiens. Encore une fois, loin de moi cette idée qui voudrait que je défende Froome à tout prix. J’essaie simplement d’apporter une analyse la plus valide possible des performances réalisées sur ce Tour de France. J’espère qu’à partir de cette démonstration, vous comprendrez que je ne peux pas en l’état actuel des choses lancer l’anathème sur les performances réalisées par Froome. Ce qui est certain, c’est que la connaissance de son PPR et de sa VO2max permettraient d’y voir beaucoup plus clair.

Lire l’article de RTL.fr: « Chris Froome : exceptionnel mais pas inhumain«